Non-binarité
Être non-binaire
ce n’est pas me plaire dans la négation
C’est une force de joie et de libération
Quand je me sens en décalage dans notre système
à deux propositions.
Combattre le malaise du décalage
Le marécage des genres de synthèse
L’inconfort de n’être pas bien genré-e,
Toujours décalé-e,
Toujours à côté
comme un pull qui gratte un peu en permanence
comme avoir des chaussures trop serrées
qui m’épuisent le long de la route.
C’est pas atroce
mais c’est toujours là
Quand je me promène dans la rue
Quand je rencontre des gens qui ne savent pas
Pour qui mon identité est un impensé
Je le sens tout de suite
et une partie de moi
Se rétrécit
Je sens l’absence
De possibilité d’existence
Je sens le plein de normes
L’imaginaire que l’on me pose dessus
quand on m’appréhende.
L’impensé dans leur esprit
Cette absence de connaissance,
reconnaissance
de possibilité d’existence
Hors de la binarité
Me ramène sans cesse par vague de malaise
Au genre que l’on m’a assigné.
Et c’est tellement commun pour moi comme expérience
Que des fois j’oublie que c’est inconfortable,
J’ai l’habitude,
J’ai grandi avec cette histoire, ce récit de moi
De Demoiselle, de elle, de Madame
C’est latent, invisible, ça ne crie pas toujours fort en moi,
Mais je brille moins fort et je suis fatigué-e sans comprendre pourquoi.
Etre ramené-e à un monsieur ou madame
et que chaque fois ça me fasse l’effet d’une petite pique,
mais qui s’additionnent dès que je suis dans l’espace public
pas grand-chose mais ça s’accumule
Une valse d’aiguilles qui me donne le vague à l’âme
Chaque fois que je suis dans l’espace genré,
chaque fois que je suis avec des gens pour qui c’est un impensé.
L’énergie d’être toujours sur le qui-vive en adaptation, toujours dans l’irréel
Comme une réalité binaire virtuelle,
Tu sais, l’habituelle.
Avec le malaise d’un faux-semblant
Ne pas pouvoir me sentir aligné-e, parce que jamais reconnu-e
Etre considéré comme quelqu’un qui se rend intéressant
un effet de mode
Alors que ça toujours existé,
c’est juste qu’on a commencé à déchirer publiquement
Le voile qui couvrait nos irrégularités
Il suffit de voir les signes dans toutes les archives, les histoires oubliées, effacées ici
et ailleurs, la puissance binaire coloniale qui a regroupé, regenré, effacé.
Puissance binaire
Qui s’impose, qui tue, qui marque, qui rend honteux.
Puissance binaire
Mensonge pratique, qui arrange la majorité,
Qui infiltre aussi mon esprit et ceux de celleux
qui n’ont pas l’identité espérée
Tu n’as pas besoin de comprendre ce qu’est la non-binarité
pour respecter nos identités
Et montrer de la compassion quand on t’explique notre malaise
Mais le fait que ça ne te passe même pas par l’esprit,
De concevoir la non-binarité,
c’est maintenir,
cet impensé, cette impossibilité
pour d’autre de se vivre pleinement.
Bien sûr c’est pas volontaire,
On ignore ce qu’on ignore.
Mais en prendre conscience
Se renseigner par soi-même, en parler,
Ça ouvre des fenêtres d’existence,
Ça ouvre des portes à des lieux
Où l’on se sent à l’aise d’être soi,
Aligné-e, reconnu.
Des endroits confortables
Où l’on te demande tes pronoms,
Ou l’on écrit des textes qui nous visibilisent
Où on ne nous remet pas en question
Des espaces
Qui reconnaissent nos existences.
Parce qu’on existe que vous le vouliez ou non,
Parce qu’on existe même si vous vous posez encore quelques questions,
Parce qu’on existe que vous le sachiez ou non.
C’est juste plus confortable
Quand nos vécus ne sont pas niés, tus, impensés
Silence, absence, violences qui nous poussent à trouver d’autres univers d’existence,
des brèches, des gens qui nous ressemblent, des gens qui nous reconnaissent.
Et toi si tu te sens aussi en marge, en décalage,
Tu n’as pas besoin de comprendre pourquoi
De chercher une raison, une explication
De comprendre pourquoi on a une identité de genre,
De saisir clairement ce que le mot « genre » veut dire,
Pour pouvoir reconnaître que le genre est partout
Que c’est comme l’air que nous respirons,
Comme un bassin dans lequel nous nageons toustes.
Et que si tu veux reprendre ta respiration,
Tu peux ne pas correspondre à ton assignation,
prendre une bouffée de liberté,
Pas dans ces cases étriquées
Mais jongler, t’amuser
être reconnu-x
Peu importe comment tu es habillé-e
Peu importe comment tu es nu-e
Peu importe comment tu veux être genré-e,
Peu importe comment on t’a déjà connu-
Je suis en mouvement
Sable mouvant
Me mouvant
Emouvant
Ce n’est pas parce que quelque chose est construit socialement que ça n’a pas d’effets
Comme de fait l’argent invisible
Construction immatérielle
Qui nous brûle les doigts
Qui ficelle nos existences
Qui rythme nos vies
Ce n’est pas parce que quelque chose est construit socialement que ça n’a pas d’effets
Catégories imposées à même la peau
Appartenir
A une case, à une lettre, à un pronom,
A part tenir à moi,
Je sais pas
Nous soutenir
Se réinventer
Briller hors d’un
Trou noir troublant
Une Terre inconnue
Qui devient un terrain connu
Un terrain de jeu
Loin de ma case départ.